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«L’agriculture urbaine ne pourra pas nourrir une ville entière»

Les initiatives d’agriculture urbaine fleurissent dans les grandes villes. Permettront-elles de nourrir les citadins de demain ? Probablement pas. Pour la chercheuse Lise Bourdeau-Lepage, l’agriculture urbaine sert surtout à répondre au besoin de socialisation des citoyens.

Des fraises cultivées sous leds, des cultures de champignons en plein Paris… Les initiatives agricoles poussent dans les grandes villes. Pour Lise Bourdeau-Lepage, professeure en géographie et économie urbaine à l’université Lyon 3, ces initiatives ne pourront pas subvenir aux besoins de villes entières. Cette spécialiste de la nature en ville y voit surtout un moyen de recréer du lien social entre les citadins.

Que désigne vraiment l’agriculture urbaine ?

Lise Bourdeau-Lepage : Il s’agit de terrains cultivés à des fins alimentaires, dans les zones denses, c’est-à-dire les villes. Cela peut prendre des formes variées : les jardins partagés, les jardins collectifs familiaux, les potagers sur les toits, les petites parcelles sur les balcons dans les bacs (plantations d’herbes aromatiques), les carrés de terre aux pieds des arbres…

L’agriculture urbaine inclut aussi les fermes urbaines. À la différence des autres modes de culture, celles-ci n’ont pas de contact direct avec la terre. 

Ces fermes urbaines sont-elles une alternative sérieuse pour l’avenir ?

L. B.-L. Je crois aux fermes urbaines. Elles peuvent permettre d’avoir des produits frais et ont l’avantage de ne pas avoir de coût en transport et de ne pas subir les effets du climat. Par exemple, un grand coup de vent ne sera pas nuisible pour les plantations ! Elles ont donc une fonction d’assurance alimentaire. Mais pour qui ? Les produits issus des fermes urbaines risquent de ne s’adresser qu’à une population privilégiée. Cela restera des fruits et légumes produits en faible quantité, donc rares et vendus à des prix élevés. 

L’une de mes grandes craintes est que l’agriculture urbaine s’installe uniquement dans des îlots favorisés. Le risque est que les grandes villes comme Paris et Lyon deviennent des citadelles écologiques, et que les populations des zones périurbaines soient délaissées.

L’agriculture urbaine pourrait-elle subvenir aux besoins alimentaires d’une ville dans le futur ? 

L. B-L. On sait très bien que non ! En Île-de-France notamment, c’est impossible. Mais l’agriculture urbaine remplit d’autres fonctions. Elle joue avant tout un rôle social : le désir de nature en ville traduit un besoin de partage et de socialisation.

Elle leur permet aussi de ralentir, de contrer le rythme intensif propre aux grandes villes. L’idée, c’est de se reconnecter avec la nature et avec le temps qui passe.

Le développement de l’agriculture urbaine vient enfin d’une prise de conscience autour de l’alimentation, d’un souci de mieux manger. Le rôle de l’alimentation sur notre état de santé est de plus en plus présent dans l’esprit des urbains.

Pauline Comte et Célia Cuordifede