« Si ça existe l’orgasme culinaire, ça doit ressembler à ça »
Jouir de manger, c’est possible. Grâce à un baklava mielleux ou un magret de canard juteux, ils ont expérimenté l’orgasme culinaire.
Un simple baklava ? Non…. LE baklava. Quand le pote de Guillaume lui a présenté la succulente pâtisserie turque devant la bouche, il a croqué. « J’ai eu un geste réflexe. Une contraction de la langue. Elle s’est collée contre mes dents. J’ai expulsé un filet de bave, mais c’était pas volontaire. Comme une éjaculation de la bouche. Si ça existe l’orgasme culinaire, je me suis dit : ça doit ressembler à ça. »
C’était pendant un voyage à Istanbul, en 2014, et il s’en souvient comme si c’était hier. Il fume de l’herbe avec ses potes. Le baklava, c’est son dessert préféré. Mais là c’était plus que ça. « Un plaisir fou, une surprise intense. » Pas loin de l’orgasme sexuel, le côté génital en moins. « J’ai jamais eu autant l’impression d’être plongé dans le goût de quelque chose. J’étais complètement dedans, rien d’autre ne comptait. C’était hyper court. Hyper intense. »
Dans un billet publié sur le blog du Huffington Post, la sexologue Magali Croset-Calisto définit l’orgasme culinaire comme : « Une manifestation physiologique qui procure un état d’excitation proche de l’extase, suite à la consommation d’un aliment particulier. À l’instar de l’orgasme musical – défini dernièrement par une équipe de chercheurs du Connecticut – l’orgasme culinaire fait partie de ces ‘orgasmes de la peau’ qui donnent des frissons dans l’échine et mettent le cerveau en ébullition. » Elle ajoute, « l’orgasme culinaire procure une décharge émotionnelle inattendue ».
Pour atteindre la jouissance gustative, trois facteurs doivent être réunis selon Magali Croset-Calisto : un contexte particulier (les vacances à Istanbul), une disponibilité au plaisir (la drogue), et l’aliment lui-même (le baklava).
Frissons dans le dos et soupir de plaisir
Même schéma pour Margaux. Elle aussi a vécu le graal gastronomique. Sans drogue, ni ivresse, mais dans un contexte de stress intense. Elle vient de quitter le foyer familial, et son année universitaire ne se passe pas bien. Un week-end, elle rentre chez ses parents : « Ma mère avait acheté du magret de canard. J’ai toujours adoré ça mais ce jour là, c’était particulièrement incroyable. Ce magret était parfait, hyper tendre… hyper juteux. J’en ai pris une bouchée, et c’était comme si tous mes muscles se relâchaient. J’ai fait un genre d’onomatopée, un ‘oooooh’ un peu étouffé, le genre de son qu’on peut pas retenir. » Un soupir de plaisir.
Ce magret la transporte dans un lieu rassurant : « C’était comme une madeleine de Proust, qui me reliait à mon enfance, au dimanche, quand tu manges des plats avec de la viande chez tes parents. Le magret de canard c’était un plat qu’on cuisinait pour mon anniversaire, ou à des réunions familiales. »
Ce plat la fait encore frissonner quatre ans après. « Quand j’y pense, je salive. Ca me file des pulsions de faim ! J’ai envie d’en acheter et d’en manger tout de suite, comme si j’avais besoin d’une clope, alors que normalement, je suis pas du tout sujette aux addictions. Et tant que j’en ai pas mangé, j’arrive pas à penser à autre chose. » D’ailleurs, cette interview lui a donné des idées : « Je sais que ce weekend, quand je vais rentrer chez mes parents je vais leur demander du magret de canard. Sinon je vais pas arrêter d’y penser. »
Noémie, elle, est souvent émoustillée par la nourriture. « Ça m’est arrivé plusieurs fois. C’est toujours lors de la première bouchée. Ça fait un petit frisson dans le dos, un frisson de bien-être en fait. » Une sensation qu’elle éprouve quand elle mange des éléments forts en bouche, comme du parmesan ou de la truffe.
« Je ressens un peu la même sensation que quand je me glisse après une journée épuisante dans des draps frais, ou quand je fais l’amour. Ces expériences rappellent vraiment des plaisirs primaires. »
Pour que ça marche Noémie doit avoir faim, « très, très, très, faim », même. « Tu salives, tu salives, tu salives, et c’est trop bien, quoi. Ca arrive surtout avec de la grosse bouffe : un fondant au chocolat, de la chantilly… Je vais pas mentir, je n’ai pas de frissons avec une jardinière de légumes ! »
Yoram Melloul et Maya Baldoureaux-Fredon