Insectes dans nos assiettes : ce n’est pas pour bientôt
À l’apéro ou en sucreries, les insectes s’invitent timidement dans nos assiettes. Pour le chercheur Samir Mezdour, ces bestioles ne devraient pas si vite remplacer nos biftecks.
Criquets, araignées, punaises, scorpions… Les vertus nutritionnelles des insectes sont vantées par la FAO (l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Une suggestion pour subvenir aux besoins des 9 milliards de Terriens à l’horizon 2050. Pour Samir Mezdour, chercheur en sciences des aliments et procédés agroalimentaires à AgroParisTech, les insectes sont une alternative possible à la viande. Mais ces petites bêtes ne devraient pas aussi vite transformer notre consommation.
Les insectes peuvent-ils être une alternative à la viande ?
Samir Mezdour. – Les insectes ont des qualités nutritionnelles que l’on a vérifiées dans nos travaux de recherche à ParisAgroTech. On y trouve notamment tous les acides aminés essentiels aux humains. Une fois séché, un insecte est composé de 35 à 77 % de protéines.
C’est inévitable, à l’horizon 2050, il faudra augmenter la production en protéines pour nourrir la planète. Pour cela, il y a une panoplie de possibles. On peut explorer des sources de protéines comme les algues, les micro-organismes et aussi les insectes.
Les insectes sont une bonne alternative à la viande pour des raisons environnementales. Élever des insectes nécessite une surface d’élevage moins importante que pour des bœufs ou des moutons. Ils consomment moins d’eau et génèrent moins de déchets.
Nos épluchures de légume peuvent servir à l’alimentation des insectes. Cette conversion des matières organiques est plus efficace pour les insectes que pour les bovins, par exemple. Avec 10 kilogrammes de biodéchets, un bœuf produit 1 à 2 kg de protéines tandis qu’un insecte produit 7 à 8 kg de protéines.
Pourquoi les insectes ne sont toujours pas dans nos assiettes ?
S.M Penser qu’on mangera tous des insectes, c’est un buzz médiatique ! D’abord, il y a un frein réglementaire à la consommation d’insectes. En Europe, c’est interdit. C’est pour cela qu’il y a beaucoup de ventes d’insectes en ligne. Et économiquement, les produits à base d’insectes ne sont pas donnés. Ils ne sont pas accessibles à tous les porte-monnaie. C’est un marché de niche, qui s’adresse aux bobos-écolos avec des moyens.
Sommes-nous prêts à manger ces bestioles ?
S.M L’entomophagie (la consommation d’insectes par les humains, ndlr) était pratiquée en Europe de la Préhistoire jusqu’au début du XXe siècle. On consommait des criquets et on accordait des omelettes avec des vers à soie. Mais le regard sur les insectes a changé en Occident, avec notamment leur utilisation en médecine et à travers la littérature. C’est devenu sale et peu rassurant.
Difficile d’estimer l’acceptabilité culturelle. Changer les modes d’alimentation peut prendre des générations. Je ne suis pas sûr qu’on révolutionne l’alimentation de sitôt. À mon avis, dans deux ou trois générations, on continuera à manger de la viande.