Le guide Michelin fait encore recette… auprès des chefs
Le célèbre guide rouge sort son édition 2020 aujourd’hui. Ses ventes sont en perte de vitesse. Pourtant les chefs continuent de rêver d’étoiles.
« Récompensé d’une étoile au Guide Michelin 2019 », voilà ce qu’on peut lire en haut de la carte du restaurant Chez Virtus, niché au coeur du 12ème arrondissement parisien. Un graal pour l’argentin Marcelo di Giacomo et la japonaise Chiho Janzaki, chefs de l’établissement depuis deux ans. « Pour eux, c’est très important le Guide, c’est une vraie reconnaissance, surtout quand on est étrangers comme eux, ça vient sacraliser un certain type de gastronomie », raconte Karine Diop, leur traductrice. Si les deux cuisiniers ne travaillent pas aujourd’hui, l’entourage l’assure, à quelques heures des résultats : « Ils pensent au Michelin, c’est une angoisse de réussite. »
Du côté du restaurant Racines, dans le 2ème arrondissement de Paris, on avait presque oublié le jour J. Le restaurant a été récompensé l’année dernière par une première étoile. Mais pour le responsable de salle : « Même si on la perd cette année, ça ne change rien à notre manière de travailler. »
Obtenir une étoile, un gage de réussite ?
Olivier Grégaud, professeur d’économie à Kedge Business School et auteur d’une étude sur les conséquences économiques des étoiles du Michelin explique que « gagner une étoile engendre une augmentation de 30% du chiffre d’affaires durant la première année pour le restaurant ». Dernier exemple en date, le chef parisien triple étoilé, Kei Kobayashi. Son restaurant de 30 couverts près du Louvre a reçu un millier de demandes de réservation quelques heures après la publication du Guide Michelin, lundi 27 janvier. Pour autant, en perdre un macaron n’est pas toujours synonyme de catastrophe économique.
Exemple avec le Suquet, établissement tenu par Sébastien Bras. La perte de son étoile en 2017 lui a fait de la publicité. En 2018, il affiche une augmentation de ses recettes de près de 157 000 euros.
Un effet que pourrait connaitre le restaurant du défunt Paul Bocuse, près de Lyon. Le déclassement de cette célèbre table a eu l’effet d’une bombe dans le monde culinaire. Mais, Olivier Grégaud n’est pas inquiet : « Pour ce genre de restaurant très connu, ça n’a pas vraiment d’impact négatif, cela peut même susciter de la curiosité et attirer des clients. » Pour d’autres restaurants, les critiques du guide peuvent être un sacré coup dur. Ce fut le cas de la Maison Lameloise en Saône-et-Loire dont le profit a plongé de 70% au cours des deux années ayant suivi sa dégradation en 2005, avant de se redresser en 2007.
Les déçus du guide
Cette année, certains n’ont pas attendu pour faire part de leur déception. C’est le cas du chef nordiste Florent Ladeyn. À la tête de l’Auberge du Vert Mont dans les Flandres, le chef a annoncé sur sa page Facebook que le Guide Michelin lui a retiré son étoile acquise en 2014. Il se dit surpris mais relativise : « À mes yeux, j’ai toujours dit que le meilleur restaurant c’est celui qui est complet, pas le mieux noté. »
Les ventes du Guide Michelin en déclin
Même si les chefs français continuent de craindre les foudres du Guide Michelin les ventes ne sont plus au rendez-vous. En 12 ans, le nombre d’exemplaires écoulé a chuté de 58,4% pour ne pas dépasser les 30.000 exemplaires. Le Guide Michelin doit faire face aux nouvelles plateformes de critiques culinaires : Tripadvisor ou encore sa filiale La Fourchette. Des sites web alimentés par des profanes et non des critiques aguerris.
Pour le restaurant Racines ou encore le Mesturet, ces commentaires d’anonymes pèsent autant que le guide rouge. Alain Fontaine, chef du Mesturet raconte : « Face aux commentaires sur internet, je me blinde, je réponds souvent. » Le chef du bistro Le Mesturet, à Paris, reconnaît qu’une mention dans le guide est « très valorisante pour la cuisine et surtout les équipes. Mais pour moi ce qui est plus important c’est la réputation sur les réseaux sociaux, les commentaires des clients ». Le restaurateur le confirme, en quelques années son nombre de couverts a augmenté « notamment grâce à [sa] présence sur une application chinoise qui conseille des restaurants à Paris ». Même si son restaurant ne fait plus partie des établissements recommandés par la bible de la gastronomie.