La bouffe et moi,  La braguette de pain

« Maintenant tu lèches ! » : Quand la bouffe s’invite au pieu

Une pêche bien charnue, un concombre bien droit, une poire dont la courbure ressemble à s’y méprendre à une chute de reins… La nourriture est parfois très érotique. Si érotique que certains ont eu l’envie de l’intégrer à leur sexualité… Avec plus ou moins de succès.

« Avec mon copain, on s’est bandé les yeux et on s’est mis de la chantilly sur le corps. Sauf que ça n’a pas marché du tout. L’odeur de la chantilly sur la peau, ça ressemble à du lait caillé, c’est absolument dégueulasse ! C’est devenue tellement insupportable qu’on a fini directement à la douche ! » Eugénie, 20 ans, rit encore de cette expérience. Avec son copain, ils ont fini par manger les fraises à table, tout à fait normalement, en rigolant beaucoup. 

Pour Mona, 21 ans, c’était un peu plus réussi. « J’étais en culotte et les seins à l’air sur le canapé et lui était en caleçon. On mangeait des yaourts et il m’en a jeté une cuillère sur le ventre. Alors je lui ai dit : maintenant, tu lèches ! Et ça a commencé comme ça. Ensuite, il m’en a mis sur les endroits les plus agréables, sur les tétons. Moi je lui en ai mis sur les boules. C’était bien, j’en garde un beau souvenir, j’aimerais bien recommencer. »

Malgré une expérience malheureuse avec des fraises et de la chantilly, elle aussi, Agnès, 22 ans trouve toujours la nourriture érotique. « Quand je mange un yaourt d’une manière suggestive, ou quand je mange une banane, par exemple. Mais c’est plus pour faire monter le désir, en guise de préliminaires, que vraiment pendant l’acte », raconte-t-elle. Pour la jeune femme, les aliments les plus érotiques, ce sont les fruits « peut-être parce qu’on croque directement dedans, c’est plus intime. C’est différent des autres aliments, qu’on mange avec des couverts ».

Histoire cul(inaire) et artistique

L’érotisme dans la nourriture n’est pas juste une lubie de la jeunesse du XXIe siècle. C’est même une thématique récurrente dans l’histoire, qui revient dans l’art ou la littérature. Le déjeuner sur l’herbe dénudé de Manet, peint à la fin du XIXe siècle a fait scandale, jugé d’une vulgarité sans nom. 

En littérature, Casanova, dans Histoire de ma vie, se vante d’avoir perverti une jeune religieuse échappée d’un couvent dans un bordel de Venise : « Faisant l’amour et jouant avec des huîtres en les croquant de bouche à bouche. »

La nourriture est symboliquement érotique… Pour Eugénie, en pratique, ça ne l’est pourtant pas tant que ça. « Finalement, au niveau des sensations, je n’ai pas été hyper stimulée par le fait qu’on lèche de la bouffe froide sur moi. » Une désillusion liée, peut-être, à l’imaginaire véhiculé par certaines images. « Je m’imaginais ça comme dans les films, quand ils se mettent du chocolat sur le corps et qu’ils le lèchent. Le voir, ça m’excite, mais le faire, pas du tout ! », constate-t-elle.

« Une viande bien saignante, je trouve ça super érotique »

Les images sexuelles de nourriture sont souvent véhiculées par les films, comme dans Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone, sorti en 1984. Pour goûter aux charmes de Peggy, ses voisins doivent la payer en pâtisseries. Patsy, un jeune voyou, achète une charlotte russe bien crémeuse, espérant perdre son pucelage. Mais Peggy est sous la douche et elle se fait attendre. Alors Patsy finit par engouffrer goulûment toute la charlotte. Le gâteau crémeux remplace alors le sexe de Peggy, comme objet de désir puis de plaisir.

Un transfert de sensualité que Mona, 21 ans, expérimente actuellement. Elle a très envie de faire l’amour avec son copain, mais ce dernier n’est pas très partant ces temps-ci. « Du coup, j’ai fait un énorme transfert sur la nourriture. La dernière fois, on regardait Kaamelott, où ils mangent des plats médiévaux. Et je me suis dit que j’adorerais manger un gros sanglier. Je me suis imaginé plein de trucs à bouffer. »

Cette image de la viande charnelle, presque sensuelle, on la retrouve chez Émile Zola, dans Le Ventre de Paris. Dans le livre, l’auteur décrit longuement la belle charcutière : « Et le profil de Lisa, avec sa forte encolure, ses lignes rondes, sa gorge qui avançait, mettait une effigie de reine empâtée, au milieu de ce lard et de ces chairs crues. » La Lisa érotisée du livre l’est à travers les pièces de viande de la boucherie. 

« Une viande bien saignante, je trouve ça super érotique… Quand ça saigne, avec un peu de gras, c’est bestial ! Je pense que lié au côté charnel, ça a quelque chose d’humain », conclut Mona. Niveau plaisir, la nourriture a plus de succès que le sexe chez les femmes, selon un sondage Harris Interactive de 2014. Constat inverse chez les hommes, qui placent le sexe plus haut que la nourriture sur l’échelle du plaisir.